En
écoutant l'histoire du YAOURT telle qu'elle me fut racontée
d'après les très célèbres manuscrits de
Montrabeau qui sont une véritable René-sens de la connaissance
et de la sagesse, puis en la racontant partout où je rencontrais
un auditoire intelligent, je me suis aperçu d'une grave lacune
ainsi qu'un certain oubli étaient restés dans Lefloc (de
l'oubli) et que le grand sage "à l'un au rouet" (que
la déformation de l'accent du pays disait Arouette - arouette,
gentille arouette, vous connaissez?) et qui me remit les précieux
documents, n'a pas su élucider. Aussi, mon imagination aidant
(et la connaissance de la gent féminine) m'ont fort heureusement
aidé dans mes recherches. Aussi, sans en changer un mot, puis-je
me permettre d'y ajouter mon petit grain de sel (de mer, étant
donné la situation de ma machine à écrire au moment
où j'écris ces quelques lignes). Une recommandation cependant:
évitez de lire cela en mangeant, ou de le conter au cours de
ces repas que d'aucuns qualifient de fraternels, car il est toujours
de mauvais ton de couper l'appétit au sein d'une auguste assemblée
pour qui, comme à Gap, ces réunions allient la convivialité
à la bonne chère (pardon, la bonne chair. La bonne n'ayant
rien à voir là- dedans).
Donc, je commence. (Je reprends donc le texte de Jacky, qui n'est pas
braque et cultive son Art, celui des "menteries de Montrabeau").
Savez-vous
pourquoi Vienne est devenue la capitale mondiale de la valse?
Certainement pas!
C'est en cherchant la réponse à cette question que j'ai
découvert une des histoires les plus extraordinaires du siècle.
Cette
histoire commence à la cour de Vienne en Autriche. A cette époque
la famille des Habsbourg règne encore sur l'Empire d'Autriche-Hongrie,
l'Empereur s'appelle Karl-Friedrich III, et son épouse est la
tendre Eugénie. Le petit prince héritier, qui ne régnera
jamais, se prénomme Victor-Henri et il est élevé
comme le veut la tradition chez les Habsbourg, par une nourrice russe.
Nourrice se dit "nonne" en russe. Mais contrairement aux autres,
cette "nonne"-là n'est pas une grosse matrone mais
une fort jolie femme. Tout irait pour le mieux si le petit prince héritier
ne restait anormalement chétif, malgré toutes les cinq
tétées quotidiennes de sa nonne.
Cependant
cette nourrice jeune et jolie est vite remarquée par les jeunes
nobles de la cour qui se mettent à lui faire une cour empressée.
Et la nonne, sans toutefois négliger son impérial rejeton,
participe de plus en plus aux festivités de la cour, jusqu'à
ce fameux premier janvier 1814 où pour la première fois
elle est invitée à un bal de la cour.
Et voilà notre nourrice lancée dans des valses effrénées,
puisque c'est la danse à la mode, mais sans pour autant oublier
ses devoirs, si bien qu'à 23 heures, elle quitte la fête
pour aller donner la dernière tétée de la journée
à son impérial nourrisson.
Et c'est le drame!... Le lait ne coule pas, et la nourrice voit approcher
avec angoisse le spectre du chômage (déjà?), mais
le bébé insiste tant et si bien qu'un produit blanc et
épais finit par sortir du sein de la nonne russe, et le bébé
semble bien apprécier ce nouveau produit, puisque entre chaque
gorgée il n'en peut plus de crier: "Ya! gut! Ya! gut!".
Ce qui, comme chacun sait, signifie "c'est bon" en autrichien.
Aussi, quand la nonne demande dans son russe natal au petit prince s'il
veut le deuxième sein, c'est avec joie qu'il répond, aussi
en russe: "Da, Nonne" (en français: "oui, nourrice").
"Ya Gut, Da Nonne. Ya Gut, Da Nonne". Un domestique un peu
sourd qui passait par là comprit "Yogout Danonne" qui
fut encore déformé au cours des récits suivants
en "Yaourt Danone" pour désigner le produit miracle
qui sortait du sein de la nourrice...
Perplexe, la nourrice prend sa tireuse à manivelle (on n'avait
pas encore inventé l'électricité) pour voir quel
est ce merveilleux produit qui a l'aspect d'un plâtre très
liquide. L'affaire s'arrêterait là, si dès le lendemain,
le bébé ne semblait en meilleure forme que d'habitude
et refusait le lait de sa nourrice, se bornant à répéter
"Yogut Danonne". Voilà notre nourrice bien obligée
de mettre les parents dans le secret et, à partir de ce jour,
de valser tous les soirs. Mais la nouvelle s'est vite répandue
et toutes les femmes voulaient goûter et produire ce fameux laitage,
déjà baptisé "yogurt" (prononcer "yogourt"
en accent autrichien).
C'est un gentilhomme Suisse, Alexandre Gervais de Chambourcy, qui trouva
la solution, donnant ainsi naissance aux crinolines.
Ces paniers d'osier que les femmes porteront à partir de ce moment-là
et dont personne ne connaissait jusqu'à présent l'utilité,
étaient en fait les premières yaourtières: un récipient
rempli de deux litres de bon lait frais était installé
dans le panier avant le bal, et valse et valse, on alliait ainsi l'utile
à l'agréable (pour les femmes les plus "fortes"
on utilisait bien sûr plusieurs bidons.
Le
yogurt Danone était né.