ERETZ ISRAËL
 
     
 
Colonne d'Harmonie
 
     
1 Had Gadia - Chava Alberstein
(musique du film "Free zone")
2 Kadosh - Louis Sclavis
(Musique du film "Kadosh")
3 Hatikva - Hymne israélien
4 L'Enigme Eternelle
(Ravel - Georges Prêtre - Victoria de Los Angeles)
5 Biladi, biladi - Hymne palestinien
     
6 Berceuse pour clarinette, piano et cordes
Kol Simcha
7 Kol Nidrei
Max Bruch - Mstislav Rostropovitch
8 Remembrances (La liste de Schindler)
John Williams - Itzhak Perlman
9 Rabbi Jacob (Les aventures de)
Vladimir Cosma
10 Shirat Hasticker (chanson de l'autocollant)
Hadag Nahash
     
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PLAN

Introduction Histoire
- L'Histoire de Herzl à aujourd'hui
- L'Histoire du peuple juif
- La création de l'Etat juif
L'aliyah
La diaspora
La vie en Israël
- Le poids de la religion
- Des progrès
- La vie politique
- Les arabes israéliens
- Le système scolaire israélien
Un état de guerre permanent
- Le conflit israélo-palestinien
- Les enjeux
- Les politiques israélienne et américaine
L'avenir
- L'avenir des juifs
- L'avenir d'Israël
Conclusion

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Stèle de Merenptah

1 Had Gadia (le petit chevreau) : cette chanson à récapitulation énumère les différentes nations ayant habité la terre d'Israël. Le chevreau représente le peuple juif. Le chat est l'Assyrie, le chien Babylone, le bâton la Perse, le feu la Macédoine, le chohet (celui qui abat la bête de manière rituelle) les Croisés, l'ange de la mort les Turcs. L'histoire se conclut par le retour des juifs en Israël grâce à Dieu.

Paroles : Had Gadia

Paroles : Hatikvah

Paroles : Biladi

Paroles : L'énigme éternelle

10 Quelques exemples d'autocollants, de slogans dans cette chanson : "La Cour Suprême met les juifs en danger - Une Nation forte fait la paix; laissez les forces israéliennes de défense les faucher - Longue vie au Messie - Je suis en sécurité avec la Paix de Sharon - La gauche aide les arabes - Bibi (Netanyahu) est bon pour les juifs - Pas de paix avec les arabes - Ne leur donnez pas d'armes ..."

 

     

INTRODUCTION

Israël : « un sujet qui fâche, à éviter !» dirait notre FRené. «Il faut limer son bocal à celui d'autrui », disait Montaigne, c'est-à-dire frotter son cerveau, confronter ses idées à celles des autres.
Fort heureusement, nous sommes maçons, donc capables d'aborder les thèmes les plus délicats sans nous écharper. Enfin je l'espère !
Pour certains, parler d'Israël, c'est faire preuve de témérité; le critiquer, c'est faire preuve d'antisémitisme. Mais celui qui vous parle a organisé des expositions et des conférences sur le devoir de mémoire et contre le racisme et l'antisémitisme ! J'espère qu'on lui épargnera ce qualificatif ! Tout sujet peut être soumis à la critique. J'ai choisi de vous présenter les questions qui agitent aussi bien les européens que les israéliens. Et j'ai privilégié les déclarations et les citations des juifs eux-mêmes. On ne saurait les suspecter d'antisémitisme ! Quoique ...
De la critique au jugement, il n'y a pas loin. A-t-on le droit de juger ? Je vous laisse juge. Et qui doit-on juger ? Pour ma part je prendrai position sur les politiques israéliennes et non sur Israël et les israéliens.

     
 

HISTOIRE

- L'HISTOIRE, DE HERZL A AUJOURD'HUI
Pour évoquer Israël, il nous faut bien commencer par un peu d'histoire. Le nom d'« Israël » apparaît pour la lère fois à la fin du XIIIème siècle avant notre ère sur la stèle de Merenptah à Thèbes. Je vous rassure tout de suite : je saute allègrement les siècles et vous propose de démarrer à l'époque où la Palestine est encore ottomane.
Nous sommes en l894 : condamnation de Dreyfus. Coup de tonnerre pour un certain Theodor Herzl, alors journaliste à Paris.
1896 : Herzl écrit « L'Etat des Juifs ». Il y expose les principes fondamentaux du sionisme.
1897. Le premier congrès sioniste proclame le droit du peuple juif à la renaissance nationale dans son propre pays.
1917 : Ce droit est reconnu par la Déclaration Balfour et réaffirmé par le mandat de la Société des Nations.
A partir de 1921, le Royaume-Uni administre la Palestine.
1947, l'ONU adopte la résolution 181 qui prévoit le partage de la Palestine en un État juif et un État arabe et place Jérusalem et les Lieux saints "sous régime international". L'ensemble des pays arabes rejette la résolution. Le lendemain du vote, la guerre éclate entre les communautés juive et arabe palestiniennes. Environ huit cent mille Arabes de Palestine s'exilent.
1948 : Ben Gourion lit la déclaration d'indépendance de l'Etat d'Israël.
1950 : vote de la loi du retour qui garantit à tout Juif le droit d'immigrer en Israël.
1956 : crise du canal de Suez. Israël occupe le Sinaï.
1958 : (à partir de 1958) vote des Lois Fondamentales 1964 : fondation de l'OLP
1967 : guerre des 6 jours. Israël conquiert Gaza, la Cisjordanie et le Golan. Le Conseil de Sécurité de l'ONU demande le retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés.
1973 : guerre du Kippour.
1978 : L'Egypte reconnaît l'Etat d'Israël et récupère le Sinaï.
1982 : guerre du Liban, appelée « Opération Paix en Galilée » par Israël
1987 : 1ère intifada
1988 : proclamation de la création d'un Etat palestinien
1994 : traité de paix entre Israël et la Jordanie
2000 : 2nde intifada
2002 : décision de construire un mur, appelé « clôture de sécurité » par Israël
2002 à aujourd'hui : c'est encore frais dans nos mémoires, je pense.

Les questions surgissant à propos de ce jeune Etat âgé de 63 ans revendiquant une histoire vieille de 3 000 ans ne manquent pas : comment ce peuple s'est-il constitué ? Qu'est-ce qui le caractérise ? Une diaspora peut-elle constituer une Nation ? Aujourd'hui, qui est juif ? Question que les Juifs eux-mêmes se posent. Mihou yehoudi ? Un Etat peut-il être à la fois juif et démocratique ? Les citoyens d'Israël ont-ils tous les mêmes droits et les mêmes devoirs ? Quel est le poids de la religion dans la vie politique de ce pays ? Peut-on parler de colonisation ? Quel avenir pour ce pays à la fois si fragile et si puissant militairement ?

     
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1947 Plan de partage
1948-1949 Territoires arabes conquis
1967 Territoires occupés
     
 
- L'HISTOIRE DU PEUPLE JUIF
Ce seul sujet est un sujet ô combien explosif ! Ne parle-t-on pas d'invention du peuple juif ? Il est vrai que l'Histoire ancienne d'Israël a toujours été conçue comme une paraphrase du récit biblique. Or, la Bible n'est pas un livre d'Histoire mais un livre dans l'Histoire. Si la Bible est riche d'enseignements historiques, elle n'est qu'un document parmi d'autres et il convient de la confronter à d'autres documents comme par exemple les stèles (d'Egypte, d'Assyrie ou de Babylone), les ostraka (tessons de poterie utilisés comme support d'écriture), les sites archéologiques, les datations ...
Cela ayant été fait, l'historicité de l'Exode, de Moïse et des douze tribus a été mise à mal. Les historiens rationnels d'aujourd'hui peuvent affirmer que certains passages de la Bible ont été écrits ou réécrits pour construire une unité nationale et religieuse et justifier une possession de la terre. Nous n'en voudrons pas aux israéliens de vouloir écrire leur histoire pour consolider leur nation. Nous avons, nous aussi, nos histoires, comme celles d'une bergère qui entendait des voix et qui a bouté les Anglais hors de France, un Président de la République qui revisite la période coloniale et veut créer une maison de l'Histoire ...
Il existe bien cependant une histoire de ce peuple qui s'écrit chaque jour avec un peu plus de précisions et qui est fort ancienne. Les juifs, disait le journaliste Albert Londres en 1929, « font partie de ces millions d'êtres humains qui vivent encore sous la Constitution dictée par Moïse du haut du Sinaï. » Étonnante histoire, miraculeuse histoire (!) quand on songe aux invasions des Egyptiens, des Assyriens, des Babyloniens ; aux destructions, aux déportations qui rendaient difficiles voire impossibles l'apparition d'un peuple stable avec sa religion.
Il est vrai qu'une déportation fut plus favorable que les autres, celle de Babylone. L'élite religieuse, politique et économique est accueillie dans le palais même de Nabuchodonosor. La population rurale demeure sur place. C'est la première diaspora. Puis les Perses prennent Babylone et Cyrus II les libère. Pendant ces soixante années, les « juifs » de Babylone ont conservé et maintenu leur culture.
Autre événement étonnant. La destruction du temple de Jérusalem souleva bien sûr des problèmes théologiques et moraux, mais aussi techniques : où situer dieu, puisqu'il ne pouvait plus résider dans le temple de Sion ? En Mésopotamie, le vainqueur « déportait » les statues des dieux hors des temples de la cité conquise, pour matérialiser justement le fait que les vaincus avaient été abandonnés par leurs dieux, et pour se les approprier. Mais dans le temple de Sion, il n'y avait pas de statue de Yahweh, en raison de l'aniconisme en vigueur. [...]
Ceci permit entre autres de combler l'absence de lieu physique, de résidence pour Yahweh, de le maintenir dans le ciel, et de considérer comme importante pour la communauté son éventuelle présence symbolique dans le sanctuaire terrestre.
« La Bible est la justification suprême de la présence et de la colonisation à l'époque moderne, et tout combat est l'écho d'une action antique. » dit Schlomo SAND
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- LA CRÉATION DE L'ÉTAT JUIF
En 1948, Ben Gourion lit la déclaration d'indépendance. Je cite quelques extraits : «L'Etat d'Israël sera ouvert à l'immigration des juifs de tous les pays où ils sont dispersés; il développera le pays au bénéfice de tous ses habitants; il sera fondé sur les principes de liberté, de justice et de paix enseignés par les prophètes d'Israël; il assurera une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe; il garantira la pleine liberté de conscience, de culte, d'éducation et de culture; il assurera la sauvegarde et l'inviolabilité des Lieux saints et des sanctuaires de toutes les religions et respectera les principes de la Charte des Nations unies. »[...] Nous tendons la main de l'amitié, de la paix et du bon voisinage à tous les Etats qui nous entourent et à leurs peuples. [...] Nous lançons un appel au peuple juif de par le monde à se rallier à nous dans la tâche d'immigration et de mise en valeur, et à nous assister dans le grand combat que nous livrons pour réaliser le rêve poursuivi de génération en génération : la rédemption d'Israël. »
Nous mesurons aujourd'hui le fossé entre les intentions et la réalité.
Il est à noter que dans cette proclamation, il n'est pas question de frontières. «Nous avons laissé la chose ouverte aux développements futurs. » dira Ben Gourion.
Un an plus tôt, l'ONU avait voté une résolution qui prévoyait le partage de la Palestine en un État juif et un État arabe par 33 voix contre 13 et 10 absentions. Ce vote n'a pas été acquis facilement. Deux ans plus tôt, les Etats-Unis et l'URSS y étaient opposés. Deux ans plus tard, l'URSS ne soutiendra plus Israël.
Cette décision de l'ONU a été préparée par l'UNSCOP (Commission Spéciale des Nations Unies pour la Palestine). Parmi les débats de cette commission, l'on trouve toutes les questions, tous les griefs, toutes les contestations qui parfois perdurent encore aujourd'hui comme :
- Les juifs ont déjà un pays, celui dans lequel ils vivent actuellement.
- Les juifs sont une communauté religieuse et non un peuple. Ils ne sont donc pas habilités à revendiquer un Etat à eux.
- « La population arabe de Palestine étant prédominante, la seule application juste et logique de ce principe est de faire de la Palestine un État arabe indépendant, garantissant une entière protection des droits d'une minorité juive palestinienne » dira le délégué du Yémen.
Un porte-parole arabe clairvoyant envisage l'avenir : « En imposant le partage, les Nations Unies vont virtuellement précipiter la Palestine dans un bain de sang. Je n'émets pas une menace, mais désire attirer l'attention sur les réactions suscitées par une politique dont les Nations Unies porteront la responsabilité. »
Déclaration du délégué suédois, Président de la commission : « Le nœud de la tragédie palestinienne est que les parties présentent l'une et l'autre des revendications légitimes, ce qui rend indispensable un compromis ». En son temps, Chatm Weizman avait dit : « Le conflit judéo-arabe est le choc de deux justes exigences ».

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orange : juifs
bleu : arabes
vert : autres

La Cisjordanie et Gaza ne sont pas comptabilisés

     
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L'ALIYAH
Les juifs de tous les pays peuvent immigrer en Israël. Mais qui est juif ? Qui peut être accueilli dans ce pays ? Est défini comme Juif, en 1950, tout individu né de mère juive, ou converti au judaïsme. En 1970, un amendement à la loi du Retour change la donne : « les droits d'un juif aux termes de cette loi sont aussi accordés aux enfants et petits-enfants d'un Juif, à son conjoint et au conjoint d'un enfant ou d'un petit-enfant d'un Juif — à l'exception d'une personne qui était juive et a, de sa propre volonté, changé de religion. »
Les conversions posent également problème. La loi ne précise pas qui a autorité pour les effectuer. Les conversions effectuées par les rabbins relevant du judaïsme réformé sont acceptées. Les personnes reconnues comme juives par l'État ne le sont pas par le rabbinat orthodoxe. D'autres débats agitent le monde juif comme le statut des enfants issus de mariages mixtes, celui des personnes nées ou converties à d'autres religions.
Alors, comment définir la judéité ? Appartenance à une race, à une religion ? A une communauté culturelle, ethnique, nationale, culinaire ? Nous choisirons une définition consensuelle, celle de l'appartenance à un peuple, à une communauté d'histoire et à la pratique d'une religion.

LA DIASPORA
Un Etat souverain dispose d'une grande marge d'appréciation dans la conduite de sa politique d'immigration et d'accès à la citoyenneté.
La faculté que s'attribue Israël d'accorder aux « membres de la nation juive », citoyens d'un autre Etat, un traitement préférentiel dans les lois sur l'immigration et la naturalisation est devenue une norme courante dans l'Europe démocratique. Voyez la France aujourd'hui ! En Slovénie, le lien avec la diaspora slovène est assuré par une agence gouvernementale. L'Arménie accueille sur son territoire les Arméniens de souche du monde entier. En Grèce, la Constitution stipule que « l'Etat se préoccupera du sort des Grecs de l'étranger et favorisera leurs liens avec la patrie. »
Les Palestiniens sont exclus de cette possibilité de retour au pays qu'ils occupaient avant la Nakba. La version palestinienne de la Loi du retour ne concernera que les seuls Palestiniens.

     
 
LA VIE EN ISRAËL

- LE POIDS DE LA RELIGION
Lors de la création de ce nouveau pays, il a fallu trouver un large consensus entre les différentes composantes du peuple juif : kibboutzims socialistes, sionistes, ultra-orthodoxes, etc. Ces derniers ont exigé de conserver leurs us et coutumes, à savoir l'existence des yechivoths, écoles où les hommes étudient le talmud (pendant que leurs femmes travaillent, comme on peut le voir dans le film « Kadosh »). Ces hommes sont dispensés de service militaire, encore aujourd'hui. Ces ultra-orthodoxes ou heradim, ce qui signifie « craignant Dieu », sont terrifiés à l'idée de violer une des 613 mitzvots ou commandements. Ils s'opposent à la rédaction d'une Constitution. Pour eux, créer un état juif sans le Messie est une révolte contre Dieu. Ils ont leurs quartiers, leurs magasins, leurs partis politiques qui pèsent fortement dans la vie d'Israël, leurs écoles qui sont subventionnées par l'Etat. Forte de 650 000 membres (environ 10 % de la population israélienne), la communauté haredi double son effectif tous les quinze ans, grâce à une moyenne de huit enfants par foyer.
Disposant de 16 élus à la Knesset, la communauté ultra-orthodoxe pèse lourd dans la coalition dirigée par Benyamin Nétanyahou. Ce poids politique l'empêche de s'attaquer aux prérogatives dont elle bénéficie.
Qu'en est-il du reste de la population ? D'après des statistiques de 1993, je n'en ai pas trouvé de plus récentes, environ les deux tiers des juifs israéliens croyaient en Dieu, 24% n'en étaient pas assurés et 13 % n'y croyaient pas. Par ailleurs la moitié pensait qu'Israël était un peuple spécialement élu de Dieu, 29% en étaient mal assurés et 20% n'y croyaient pas. Enfin, 39% attendaient la venue du Messie, 29% étaient hésitants et 32% n'y croyaient pas. Précisons qu'en Israël, il y a environ 77% de juifs, 15% de musulmans, 2% de chrétiens. D'autres chiffres semblent indiquer un pourcentage important de hilonim, mot souvent traduit à tort par laïc ; en réalité, ce mot signifie « non pratiquant », ce qui n'est pas tout à fait la même chose.

- DES PROGRÈS
La Cour Suprême est la plus haute instance judiciaire d'Israël. Elle est à la fois une cour d'appel pour le pénal et le civil, et une Haute Cour de Justice, siégeant en première instance, principalement pour ce qui concerne le contrôle juridictionnel des décisions du gouvernement ainsi que pour le contrôle de constitutionnalité des lois. Quelques exemples de ses interventions :
- Quand la télévision israélienne est mise en service en 1968, Golda Meir demande que les émissions soient interrompues pendant le Shabbat. Cette décision est invalidée par la Cour Suprême.
- En 1970, les orthodoxes proposent que les centres commerciaux restent fermés le shabbat, en échange de l'acceptation de l'ouverture des lieux de culture et de loisirs. Les laïcs font observer que le compromis est sans objet. L'ouverture de ces lieux est maintenant un fait accompli.
- Le camp religieux orthodoxe n'a pas réussi à obtenir un amendement de la Loi du Retour par lequel seule la conversion orthodoxe serait reconnue par l'Etat.
- La loi limitant l'importation de viande non kasher contredit les normes démocratiques mais cela n'empêche pas de nombreux restaurants non kasher d'avoir pignon sur rue.

- LA VIE POLITIQUE
L'Etat est juif et démocratique. Ces deux adjectifs semblent contradictoires.
Démocratique, oui. En Israël, il y a des partis politiques, un Parlement, des syndicats et même des loges maçonniques.
D'aucuns nient la validité d'Israël comme Etat juif au nom des valeurs démocratiques. C'est refuser de reconnaître dans le droit du peuple juif à l'autodétermination une valeur digne d'être prise en compte. C'est refuser de respecter le vote majoritaire.
L'Etat est donc juif avec pour conséquence une distinction fort importante dans la pratique entre citoyenneté et nationalité ou ethnicité. La diaspora juive, deux fois plus nombreuse que les juifs habitant Israël, dispose virtuellement de la nationalité. En revanche les Arabes, nés en Palestine, qui ont la citoyenneté israélienne et comptent pour le cinquième de la population, avaient une autre « nationalité », dont la mention figurait sur leurs cartes d'identité. En 2002, la rubrique « nation » a été bannie mais elle continue de figurer sur les registres d'état civil du ministère de l'Intérieur. La démocratie en Israël compte donc des citoyens virtuels (diaspora), des citoyens complets (juifs israéliens) et des citoyens moins complets (Israéliens arabes).
Israël n'a pas de Constitution mais un corpus de lois fondamentales qui doivent en devenir le socle. Celle de 1958 indique que toute personne niant l'existence d'Israël comme Etat juif et démocratique ne peut être candidate à l'élection à la Knesset.
Celle de 1960 régit les terres. En 1947, à la veille de la décision de partage, 7,6 % des terres palestiniennes appartenaient aux juifs, alors que 10 % étaient possédées et gérées par les représentants du mandat britannique, et que le reste était arabe.
Aujourd'hui, 92 % de ces mêmes terres appartiennent à l'Etat d'Israël, au "Fonds des terres d'Israël" et à "l'Autorité de développement", alors que les Arabes palestiniens citoyens d'Israël n'en possèdent pas plus de 3%. Et ceci, grâce à une panoplie de lois comme celles sur les biens des absents, celle de l'expropriation des terres de 1953, grâce aussi à la création de l'Organisation sioniste et de l'Agence juive, qualifiées je cite d’ "institutions habilitées à travailler en Israël pour développer le pays et installer les immigrants de la diaspora ».
En Israël, seuls les mariages religieux (devant un rabbin pour les Juifs, un imam pour les musulmans) sont reconnus. Le mariage civil n'existe pas. Toutefois Israël reconnaît les mariages civils effectués à l'étranger (en général sur l'île voisine de Chypre).

- LES ARABES ISRAÉLIENS
Israël Beskind, l'un des premiers colons arrivés en Palestine en 1882 était « convaincu de l'existence d'un lien historique serré entre les habitants des temps anciens et les paysans autochtones contemporains de son époque. » Quel est le statut de ces arabes israéliens dans un État juif et démocratique ?
Les arabes vivant en Israël ont actuellement le droit de vote, sauf les habitants de Gaza et de Cisjordanie qui n'ont ni citoyenneté ni droit de vote israéliens.
En Israël, les arabes représentent environ 20% de l'électorat et sont représentés par 3 partis qui se déclinent comme tels. Ils obtiennent généralement 10% des sièges à la Knesset, exceptionnellement un portefeuille ministériel sans importance au gouvernement.
En 2009, deux partis arabes ont été interdits d'élections car ils rejetaient la notion d'Israël comme État juif.
La proportion des arabes parmi les fonctionnaires est de 5 % alors qu'ils constituent près d'un cinquième des citoyens. Les arabes sont dispensés de service militaire depuis les premiers jours de l'Etat. Aux yeux d'une partie importante de la population juive, cette exemption affaiblit la validité de leur revendication à la pleine égalité des droits.
Et quand on sait que l'obtention de certains avantages sociaux dépend de l'accomplissement des obligations militaires, on comprend que cette dispense défavorise les arabes israéliens et crée un facteur discriminatoire.
En 2007, un arabe, Ghaleb Majadleh. est devenu ministre. Il a refusé de chanter la Hatikvah, l'hymne israélien. Difficile en effet pour lui de chanter « Tant qu'au fond de l'âme, les juifs en tous lieux gardent la flamme de retourner chez eux, alors cette espérance s'accomplira ; malgré l'errance, jamais ne mourra ». «Israël a besoin d'un nouvel hymne, un hymne que les Arabes puissent chanter» (Bradley Burston Haaretz). Nous pourrions ajouter qu'Israël a besoin d'un État qui ne soit pas uniquement juif et qui prenne en compte les arabes.
L'Etat israélien reconnaît des droits culturels aux Palestiniens, comme le droit de posséder et d'administrer leurs propres écoles mais malheureusement cette reconnaissance fonctionne comme un vecteur d'exclusion économique. En effet, les diplômés du système éducationnel palestinien séparé ne possèdent pas une connaissance adéquate de l'hébreu alors que c'est la langue de la majorité. Sur le marché du travail, ce handicap limite leurs chances de réussite. Autre discrimination, (nous avons aussi les nôtres en France), l'État d'Israël a eu du mal à intégrer les mizrahim ou juifs orientaux, dont les coutumes étaient très différentes de celles de leurs compatriotes, et plus proches de celles des arabes. Les ashkénazes les appelaient «les bêtes sauvages ». L'Histoire officielle instille à leurs enfants la mémoire « des shtelts de Russie et de Pologne ». La nôtre inculque « nos ancêtres les Gaulois » aux enfants d'immigrés !

- LE SYTÈME SCOLAIRE ISRAÉLIEN
Le système éducatif est divisé en 3 courants :
- L'école publique dont le programme est établi et contrôlé par le ministère de l'Education. L'enseignement est gratuit jusqu'au baccalauréat. L'enseignement de la Bible et de la culture juive y est obligatoire.
- L'école publique religieuse. Même programme et dépendance du ministère de l'Education. Mêmes avantages financiers. Même organisation. Par contre l'enseignement religieux y est plus poussé, les enfants étant initiés à la pratique religieuse conformément à la tradition juive.
- Les écoles indépendantes
- religieuses : le programme d'enseignement n'est pas sous la responsabilité du ministère de l'Education nationale. L'école est payante.
- non religieuses tournées vers un programme spécifique comme le sport ou la musique.
A noter que la minorité ultra-orthodoxe reçoit des financements étatiques pour ses écoles religieuses.
Le gouvernement israélien alloue également des fonds aux écoles arabes ainsi qu'à nombre d'écoles et de collèges musulmans. Les écoles arabes enseignent le Coran et l'Arabe, en plus du programme général du ministère de l'Education.
L'Université hébraïque comprend deux départements d'histoire totalement distincts : un « département d'histoire du peuple d'Israël et de sociologie des Juifs » et « un département d'histoire » [...] L'histoire du passé juif s'étudie séparément de l'histoire des « Gentils ». A signaler : l'an dernier, le ministère israélien de l'Education a approuvé l'existence d'une école "réservée aux Blancs", après qu'une écolière juive éthiopienne a été exclue de son école située dans les territoires palestiniens occupés. Cette jeune Ethiopienne de religion juive avait été exclue en raison de la couleur de sa peau. Ses parents ayant protesté, ils ont eu dans un premier temps gain de cause parce que l'école en question était publique et financée par l'Etat. Mais les parents blancs des 74 enfants fréquentant cette école ont finalement obtenu du ministère de l'Education que les classes de cette école soient réservées aux Blancs ... en privatisant l'école.

 
     
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UN ÉTAT DE GUERRE PERMANENT

- LE CONFLIT ISRAELO-PALESTINIEN
"Si j'étais un leader Arabe, je ne signerais jamais un accord avec Israël. C'est normal ; nous avons pris leur pays. Il est vrai que Dieu nous l'a promise, mais comment cela pourrait-il les concerner ? Notre dieu n'est pas le leur. Il y a eu l'antisémitisme, les Nazis, Hitler, Auschwitz mais était-ce leur faute ? Ils ne voient qu'une seule chose : nous sommes venus et nous avons volé leurs terres. Pourquoi devraient t-ils accepter cela ? » Ben Gourion.
Depuis 1948, rien n'a changé.
Et pourtant, les négociations, les plans de paix n'ont pas manqué. A chaque fois que l'on semble s'approcher de la résolution du conflit, les Palestiniens commettent un attentat qui permet aux Israéliens de stopper le processus ou bien les Israéliens lancent une attaque ciblée et les Palestiniens peuvent légitimement cesser les pourparlers.
Le contexte géopolitique d'Israël, lui, a beaucoup changé. En 1948, tous les pays arabes voisins voulaient la disparition d'Israël. En 1979, Israël a signé la paix avec l'Egypte et en 1994 avec la Jordanie. L'autorité palestinienne a reconnu l'Etat d'Israël en 1993. Ne reconnaissent ni l'existence ni la légitimité d'Israël : la Syrie, l'Iran ainsi que le Hamas et le Hezbollah.
A beaucoup changé également la carte de ce pays. A noter qu'à chaque guerre, Israël conquiert de nouveaux territoires. Ont été annexés et sont toujours occupés : le Golan (syrien), la Cisjordanie (jordanienne jusqu'en 1988), Jérusalem-Est, Gaza.
Israël est une puissance militaire mais géographiquement, un tout petit pays. En comptant les territoires occupés, Israël a la même superficie que la Bretagne. Ce qui constitue du point de vue israélien, une grande vulnérabilité.
Autre changement et de taille, l'aveuglement dont parle Charles Enderlin. En 1970, un certain Ahmed Yassine crée la Moujamma al-Islami. Cette association développe des œuvres sociales et construit des mosquées. Nul n'y prête attention. Et lorsque le Shabak est alerté du danger que représente ce groupe islamique, personne ne réagit. En 2006, la Moujamma devenue le Hamas a obtenu la majorité absolue au Conseil législatif palestinien. Il existe dès lors un risque : le combat nationaliste de l'OLP peut se transformer en combat religieux. Le Hamas ne cache pas qu'il mène une guerre sainte.

- LES ENJEUX
- Jérusalem, ville sainte pour les musulmans, les hébreux et les chrétiens. Probablement le sujet le plus délicat à traiter dans les négociations.
- Les territoires occupés et annexés depuis 1967. Plusieurs résolutions de l'ONU ont réaffirmé que « l'acquisition de territoires par la conquête militaire est inadmissible ». En vain.
- La Cisjordanie est dénommée Judée-Samarie par les Israéliens, et ce n'est pas pur hasard. Ces deux noms font référence à la Bible.
Interrogé par un journaliste, un représentant du Likoud dit qu'il se sent insulté quand on parle de colonies. « Le juif est chez lui partout sur la terre d'Israël» dit-il.
Au terme de colonies, il préfère celui « d'implantations rendues nécessaires par l'accroissement naturel de la population juive. » Comme de nombreux sionistes, il rêve d'un Grand Israël. « Nous sommes le seul peuple à avoir habité la terre d'Israël sans interruption pendant 4 000 ans. » a dit un jour Ytzahk Shamir !
Je ne connais pas du tout les frontières de ce grand Israël rêvé. A quel Israël font-ils référence ? Depuis 3 000 ans, ce qu'ils nomment parfois abusivement Israël, a sans cesse changé. Jusqu'où peut aller cette politique irrédentiste ? Dans la bible juive, Israël est une région s'étendant de la « Grande Rivière d'Egypte » jusqu'à l'Euphrate ! Fort heureusement, l'Egypte, plus sage, ne rêve pas de l'annexion de ce qui constituait le Nouvel Empire qui comprenait alors la Palestine !
Autre enjeu qui a son importance et dont on ne parle pas souvent : l'eau. Le Proche-Orient est une région qui en manque. En annexant la Cisjordanie, Israël jouxte la rive ouest du Jourdain. Une aubaine pour les colons qui envisagent de faire pousser des fleurs dans le désert du Néguev.

- LES POLITIQUES ISRAÉLIENNE ET AMÉRICAINE
- En Israël, les élections législatives fonctionnent à la proportionnelle. Outre les grands partis bien connus (Parti travailliste, Likoud, Kadima), il existe une multitude de petits partis, comme par exemple le Shass, parti orthodoxe séfarade. Car il existe des partis religieux et, les grands partis ayant la plupart du temps besoin d'eux pour former un gouvernement, ils pèsent de tout leur poids contre la sécularisation de leur pays.
Les attentats font hélas de nombreuses victimes et chacun d'entre eux est utilisé politiquement.
Un climat de peur, de sentiment d'insécurité permanent fait que les électeurs se tournent vers les partis politiques intransigeants et préconisant l'usage de la force.
Les rabbins et certains colons nourris de Bible rappellent sans cesse que ces terres ont été données par Dieu ... et votent en conséquence. Pour eux, construire des colonies, c'est obéir aux ordres de Dieu, les démanteler est une révolte contre Dieu.
Il existe cependant de nombreuses critiques émanant des israéliens eux-mêmes et pas des moindres.

Ami Ayalon, ancien directeur du Shin Beth, le service de renseignements israélien, critique le « système d'apartheid » dans les territoires palestiniens. Il a lancé une pétition proposant le retrait des territoires occupés.
27 pilotes israéliens ont déclaré ne plus vouloir effectuer d'opérations au-dessus des territoires occupés, Cisjordanie et bande de Gaza. «Nous, pilotes en retraite et pilotes en activité [...] sommes opposés au lancement d'attaques illégales et immorales, du type de celles menées par Israël dans les territoires occupés. Nous qui avons été éduqués dans l'amour de l'Etat d'Israël [...] refusons de participer à des attaques contre des centres de populations civiles. Nous [...] refusons de continuer à faire du mal à des civils innocents». L'écrivain juif orthodoxe Yeshayahou Leibowitz a soutenu les objecteurs de conscience refusant de servir dans les territoires. Il a même parlé de mentalité « judéo-nazie » pour qualifier certaines actions de soldats israéliens au Liban.
- Plus nombreux que les juifs vivant en Israël, les Juifs américains votent aussi. Les candidats et les élus n'oublient jamais ces millions d'électeurs potentiels. Au cas où ils oublieraient, les représentants des intérêts israéliens sont là pour leur rappeler. Leurs pressions sont importantes, leurs représentants actifs et efficaces.
L'Association des organisations de l'holocauste compte cent institutions aux Etats-Unis. Dans le paysage américain, on dénombre 7 grands musées de l'Holocauste. Chaque année, le Jour du Souvenir de l'Holocauste est un événement national.
Des associations comme l'AJC (American Jewish Committee) et l'ADL (Anti-Defamation Ligue) ont l'oreille des personnalités politiques importantes et des médias. Leur message tourne autour de l'holocauste. Pour eux, il constitue un événement historique unique. L'Holocauste constitue le point culminant de la haine irrationnelle et étemelle des Gentils envers les juifs. L'Holocauste est unique parce que les juifs sont uniques. L'Etat juif est la seule protection sûre contre le prochain. Toutes les méthodes auxquelles les juifs peuvent avoir recours relèvent donc de l'autodéfense légitime. Après la guerre de 1967, Israël se réaffirme comme le refuge des rescapés menacés par de nouveaux Hitler.
Elie Wiesel dit à peu près la même chose : les juifs sont « ontologiquement » exceptionnels et « Il y a un Etat, et il est différent de tous les autres. Il est juif, et pour cela il est plus humain que n'importe quel autre. » (Kansas City, 1970)
- Ajoutons qu'en France même, les institutions juives protègent Israël. Le CRIF a demandé récemment l'annulation d'une conférence de Stéphane Hessel.
 
     
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L'AVENIR

- L'AVENIR DES JUIFS
Voici ce qu'écrivait le sociologue Georges Friedmann en 1964 : « Les ghettos ont «produit», durant des siècles, des juifs menant une vie pleinement juive, leur existence même excluait tout danger d'assimilation. Mais aujourd'hui, si un juif de la Diaspora, voulant fuir l'assimilation qui ronge sa judaïcité, se rend en Israël, ne va-t-il pas de Charybde en Scylla ? Beaucoup d'orthodoxes, en Israël même, affirment à haute voix que pour les traditions les plus sacrées du judaïsme il surgit, sur la Terre des Promesses elle-même, un nouveau et mortel danger: l'assimilation des juifs par l'Etat d'Israël, l'« israélisation ».

- L'AVENIR D'ISRAËL
Israël envisage l'autonomie des territoires occupés. Mais l'autonomie sans droits véritables ne pourra perdurer. La population arabe palestinienne augmente plus vite que la population israélienne. L'immigration juive soviétique s'est tarie. Les juifs d'Israël seront un jour minoritaires dans l'État juif, ce qui, je crois, bousculera le système.
Je ne suis pas Cassandre mais je pense qu'il n'y aura pas deux États, un israélien et un palestinien. Il y aura certes un Grand Israël, mais un état binational, par défaut. Dans cette nouvelle entité, le caractère juif de l'État s'estompera pour disparaître et la laïcité apparaîtra comme incontournable. Théo Klein, ancien président du CRIF, imagine une forme de fédération, un Bénélux moyen- oriental qui inclurait la Jordanie ; chacun conservant sa culture, sa langue et sa religion. Le projet actuel de creusement d'un canal entre la mer Rouge et la mer Morte - financé par les israéliens, les palestiniens et les jordaniens- illustre déjà une coopération possible.

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Le "Grand Israël"
     
CONCLUSION

Je terminerai par une note optimiste, la conclusion du livre d'Evi Shbeta, israélienne, mariée à Eyas Shbeta, palestinien. Couple venu s'exprimer, ici même, dans ce Temple.
« Le gouvernement israélien dresse aujourd'hui un mur dans les territoires occupés pour se protéger. C'est l'aveu de son échec et de son impuissance. Symbole de la guerre et de la division, ce mur sera demain symbole de la paix et de l'union lorsque des Juifs et des Arabes l'abattront pour danser sur ses ruines. Ce jour viendra. »

J'ai dit.

Shalom