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IRVING BERLIN
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Le 28 mai 1988, le Carnegie Hall de New-York est plein à craquer pour fêter le 100ème anniversaire de la naissance d’Irving Berlin. Sont venus interpréter ses chansons : Marylin Horne, Leonard Bernstein, Frank Sinatra, Shirley MacLaine et Ray Charles. Irving Berlin, lui, regardera le show à la télévision chez lui quinze jours plus tard.
Il n’est pas connu en France car il a très rarement été l’interprète de ses chansons. Vous en connaissez au moins deux, je pense, « God Bless America » et « White Christmas » devenu « Noël Blanc » grâce à la version française de Francis Blanche.
Irving Berlin a écrit environ 1500 chansons et a participé à l’élaboration scénique et musicale de 19 spectacles de music-hall et de 17 films. Aux Etats-Unis, il est un monument, une icône.
Qui est-il ? Comment est-il devenu aussi célèbre ?

BIOGRAPHIE

Il est né en Biélorussie en 1888, à une trentaine de kilomètres de Minsk. Il s’appelait alors Israël Baline. Son père était chantre à la synagogue. A l’âge de 4 ans, le petit Israël assiste à un pogrom et voit sa maison brûler. Les Baline s’expatrient aux Etats-Unis. Comme tous les immigrés, ils débarquent à Ellis Island puis s’installent dans le Lower East Side, surnommé « Jewtown ».
Ils ne parlent que le yiddish. Papa Baline trouve un petit boulot : il vérifie la viande kasher dans les boucheries. Les 6 enfants Baline essaient de ramener quelques cents le soir à la maison. Bref, c’est la misère.
Israël, le petit dernier, dès qu’il est en âge de pouvoir se débrouiller seul, vend des journaux dans la rue. Tout en déambulant, il entend les chansons dans les bars, les fredonne, les chante et un jour, on lui jette quelques pièces. Il est alors motivé pour réitérer la prestation …
A cette époque, le seul moyen de faire connaître une chanson nouvelle est de payer des « song pluggers », des pianistes ou des chanteurs qui interprétent les chansons pour promouvoir la vente des partitions. Parfois des serveurs dans les bars. C’est ce que fera Israël au Nigger Mike’s, un bar de Chinatown.
Un Prince allemand, Louis de Battenberg, en balade dans ce quartier, à la recherche de divertissements, fait une halte au Nigger Mike’s où Israël, alors âgé de 17 ans, chante. Le Prince est suivi par une meute de photographes. Le lendemain, le journal « World » qualifie Israël de meilleur chanteur de Chinatown.

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Lower East Side

Chanter, c’est bien. Ecrire une chanson, c’est plus rémunérateur. Seulement, il a un handicap, et pas des moindres, il est peu allé à l’école ; de plus, il n’a reçu aucune formation musicale. Il ne sait pas lire la musique ; il ne sait pas jouer du piano.
Alors, il travaille cet instrument la nuit après le travail avec un ami du bar. Il « pianote » sur les touches noires du clavier. Il jouera toujours dans une seule tonalité : Fa# M. Plus tard, il s’offrira un « Weser Brothers », piano disposant d’une poignée permettant les changements de tonalité tout en continuant à jouer sur ces seules touches noires.
D’Irving Berlin, je dirai qu’il est plus un fabriquant de chansons qu’un compositeur. A l’époque où les compositeurs américains cherchent leur inspiration dans les succès européens comme « La Veuve Joyeuse» et les imitent ; la musique américaine se cherche, tout est à inventer et à oser … et Irving s’y emploie.

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Weser Brothers

Un jour, Israël invente une chanson. Sa recette, dira-t-il plus tard : « facile à chanter, facile à dire, facile à mémoriser et reliée aux événements quotidiens ».
Au début, ses mots sont inévitablement simples car son anglais est peu étendu ; ce qui constitue d’après lui un avantage. Pour la musique, il s’inspire du ragtime encore à la mode (Scott Joplin vit alors retiré à Manhattan souffrant de la syphilis ; il meurt en 1917) et la fredonne à un ami musicien qui la transcrit et l’harmonise.
George Gershwin a failli à cette époque devenir l’arrangeur et le secrétaire musical requis pour cette tâche. Mais Irving Berlin ne l’engagera pas et lui conseillera de refuser ce genre de job car il a trop de talent.
Première chanson à succès d’Israël Baline : « Alexander’s Ragtime Band ». Un éditeur accepte d’imprimer et de vendre la partition. C’est un succès.
L’éditeur gagne plus que le compositeur. Alors, en 1914, Irving crée sa propre maison d’édition, « Irving Berlin, Inc ». Il n’éditera pas que ses seules chansons mais aussi celles des autres, comme « Who’s afraid of the big bad wolf ? » (Qui a peur du méchant loup ?) .
Sur la première partition imprimée de « Alexander’s Ragtime Band », une erreur a été commise. L’auteur « I. Baline » est devenu « I.Berlin ». Le désir d’intégration d’Irving est très fort, aussi l’erreur le satisfait. Israël Baline devient désormais Irving Berlin. Il conservera ce nom jusqu’à sa mort en 1989.


Irving Berlin vers 1910


Alexander's Ragtime Band - Bessie Smith - 1927
Au printemps 1918, il est naturalisé américain. Et c’est au printemps de cette même année que le Président Wilson déclare la guerre à l’Allemagne. Irving est incorporé au Camp Upton où il épluchera les patates et vivra les réveils matinaux au clairon. Il écrira à cette occasion « Oh ! I hate to get up in the morning » (oh ! comme j'ai horreur de me lever le matin) qui sera un hit. Dans cette chanson, il écrit : « Un de ces quatre, je vais tuer le joueur de clairon […] dès que la guerre sera finie, je passerai le reste de ma vie au lit. »
A la faveur d’une demande du Général Bell qui lui demande d’organiser un spectacle pour financer une salle de divertissement et de repos pour les soldats, le sergent Berlin crée une revue, « Yip Yip Yaphank », avec acrobates, danseurs, jongleurs et bien sûr chansons de son cru. Il obtient un statut particulier en tant que "scénariste" et peut désormais se lever à l’heure de son choix ! La revue aura un énorme succès et sera jouée au « Century Theatre » de New-York. Elle rapportera $ 80 000 à l’Armée Américaine. La salle de divertissement ne sera jamais construite !

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Entre les deux guerres, les moyens de diffusion de la chanson progressent de manière exceptionnelle. Apparition du disque et du gramophone, en contrepartie moins de partitions vendues. Invention de la radio. En 1924, huit millions d’Américains en ont une et peuvent entendre, éventuellement, une nouvelle chanson de Berlin.
Notre Irving s’adapte et profite largement de ces nouvelles techniques. Mais la notion de droits d’auteur n’est pas encore bien définie. Alors, il n’hésite pas à saisir les politiques pour l’élaboration de nouvelles règles en ce domaine. La question juridique évolue. D’une situation anarchique et balbutiante en ce qui concerne ces droits, on voit apparaître une organisation solide, nationale, reposant sur des textes votés par le Congrès Américain. En 1914, naît l’ASCAP (American Society of Composers, Authors and Publishers), l’équivalent de notre SACEM.
Passage du cinéma muet au cinéma parlant et chantant. Autant d’aubaines pour Irving Berlin pour se faire connaître et toucher des royalties. Car il ne perd jamais un cent. Déjà enfant, lors d’une chute accidentelle dans les eaux du port, il avait été ramené sain et sauf sur le quai et n’avait pas lâché la piécette âprement gagnée ce jour-là. Au cours de sa longue vie, il veillera au paiement des droits d’auteur pour ses partitions, ses disques, ses passages à la radio, ses films. Il nommera une secrétaire pour veiller au grain (ou au gain !). Il ira à Londres pour nommer un relais assumant la même tâche en Grande-Bretagne. Il n’hésitera pas à appeler ses avocats à la rescousse.

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Clarence Mackay

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Ellin et Irving

FAMILLE

Sa vie sentimentale est on ne peut plus sérieuse. Les jolies rencontres lors des revues et des tournages ne le détournent pas de son travail. C’est un bûcheur. Il travaille la nuit et dort le jour. Il se marie une première fois en 1912. Il emmène sa belle à La Havane en voyage de noces. Elle y contracte la fièvre typhoïde et meurt six mois plus tard.
En 1920, il fait la connaissance d’Ellin Mackay. Elle est la fille du magnat du télégraphe, Clarence Mackay. Il est très riche, catholique, vieux-jeu et borné. Il refusera de financer les projets innovants de David Sarnoff, le futur fondateur de la NBC et de Marconi … Car le premier est juif, le second italien. Il hait également les italiens !
Mr Mackay s’oppose évidemment au mariage de sa fille car Irving est juif. Il menace de la déshériter. Ce qu’il fera lorsqu’Irving et Ellin se marieront civilement en 1926.
Leur mariage fera le bonheur des tabloïds de l’époque. Le New York Times titrera « The Great American Love Story ». Ce qui est vrai en partie; car ils s’aiment. Il le dit dans la chanson "Always" écrite à cette époque : « Je t’aimerai –toujours- d’un amour sincère –toujours- quand tu auras besoin d’aide je te comprendrai –toujours- »
Ils auront à souffrir de ceux que l’on n’appelait pas encore les paparazzi et devront « fuguer » pour protéger leur intimité. Dans le même temps, Irving utilisera habilement la presse pour assurer sa publicité.
A un journaliste qui s’enquiert de l’éducation religieuse que recevront ses futurs enfants, il répond : « Mes enfants recevront l’éducation juive et quand ils auront 14-15 ans, je leur apprendrai le catholicisme, et ensuite ils décideront pour eux-mêmes ». Ellin et Irving auront trois filles. Elles seront élevées dans ce principe de tolérance. Ellin la catholique se familiarisera avec le judaïsme allant même jusqu’à apprendre l’hébreu. Leur troisième fille sera plus tard protestante !


"Always" - Billie Hollyday

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La propriété de C.Mackay

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Avec Ginger Rodgers et Fred Astaire

Surgit le krach de 1929

Le beau-père Mackay, le « déshériteur », perd $ 36 million en une heure trente. Il doit abandonner sa magnifique propriété pour aller habiter la maison du jardinier. Irving, lui, perd tous ses portefeuilles d’investissement. Mais il se refera rapidement grâce aux succès de ses revues « As Thousands Cheers » et « This is the Army » et de ses films « Puttin’ on the Ritz » avec Fred Astaire, « The Cocoanuts » avec les Marx Brothers, « Top Hat » avec Ginger Rodgers et Fred Astaire dans laquelle ce dernier interprète la célèbre chanson « Cheek to cheek » (Joue contre joue) : « Le paradis, je suis au paradis et mon cœur bat si fort que je peux difficilement parler. Il me semble que je ne suis heureux que lorsque l’on danse tous les deux joue contre joue »
Grâce à ces revues et ces films, il pourra même s’offrir le luxe de devenir propriétaire du Music Box Theater où seront jouées désormais toutes ses revues.
« This is the Army », revue qui devient un film, assure la gloire définitive d’Irving Berlin.

Après sa naturalisation, l’européanisation de son nom, l’américanisation de son prénom, son mariage avec une américaine -célèbre par son père mais aussi par ses qualités de romancière- son patriotisme sincère, il aura réussi son intégration voire son assimilation. On dira de lui qu’il est l’Amérique. Et non Tom Sawyer, comme on nous l’a seriné !

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The Music Box Theatre


"Cheek to cheek" - Fred Astaire

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GOD BLESS AMERICA

En 1938, la menace hitlérienne et les risques de guerre sont largement commentés sur les ondes.
Irving procède alors à la retouche d’une chanson qui était restée dans ses cartons en 1918 : « God bless America ». Elle deviendra le deuxième hymne américain après le « Star Spangled Banner ». Chanson considérée comme pacifiste en 1938 ; à vrai dire plutôt non-belliciste que pacifiste : « Mon Dieu, bénis l’Amérique, mon doux foyer, la terre que j’aime, soyons reconnaissant pour une patrie si juste etc ». Elle sera jugée impérialiste sous Lyndon Johnson pendant la guerre du Viet-Nam. Jugée pacifiste par son auteur. Il dira s’être rappelé de sa mère qui, reconnaissante de ne pas être discriminée dans ce pays, disait souvent « Dieu bénisse l’Amérique ».
De nombreuses critiques se feront entendre : pourquoi Dieu protégerait-il l’Amérique plutôt qu’un autre pays ? Quid de la séparation de l’Eglise et de l’Etat ? L’éditeur « Tin Pan Alley », connu pour ses éditions populaires, convenait-il s’agissant d’un hymne ? Un juif n’a pas le pedigree requis pour composer une telle chanson ! etc etc …
Cependant, avec cette chanson, Irving calme l’Amérique quand Orson Welles, à la même époque, l’inquiète à la radio avec « La guerre des mondes » de Wells, en créant une fichue panique.
Irving Berlin fera don de tous les gains de ce chant à l’association des garçons et filles Scouts Américains.


"God bless America" - Irving Berlin

 


"God bless America" - Kate Smith

THIS IS THE ARMY

Quand la seconde guerre mondiale éclate, les Etats-Unis, comme lors de la première guerre, ne sont pas engagés. Il faudra Pearl Harbor comme il avait fallu la destruction du Lusitania pour qu’ils interviennent.
En 1941, Irving a 53 ans. Il n’est pas mobilisable. Mais il veut aider son pays en créant une nouvelle revue. Il a déjà montré ses dons lors de la première guerre avec « Yip Yip Yaphank ». Cette fois-ci, il n’est pas convoqué par un général. Il demande lui-même rendez-vous par téléphone … au général Marshall. Qui lui donne son feu vert et carte blanche. Comme en 1918, il ne peut créer qu’une troupe exclusivement composée de mobilisés. Un avantage considérable, Irving va choisir et diriger des soldats -acrobates, chanteurs, danseurs, acteurs, musiciens- alors qu’il est civil, donc indépendant des autorités militaires. Ce qui va lui donner une grande liberté. En 1918, les personnages noirs de sa revue étaient barbouillés de noir. En 1941, il impose la présence de vrais soldats noirs dans la troupe.
Enorme succès que « This is the Army ». La troupe (ils sont 359) effectue une tournée aux Etats-Unis. Irving Berlin boycotte les théâtres ségrégationnistes et les réceptions qui n’acceptent pas les noirs. La revue est jouée devant le général Eisenhower le 6 février 1944. Ike demande au Général Marshall qu’elle soit présentée aux soldats sur tous les fronts. C’est ainsi qu’Irving emmène ses soldats-artistes à Alger, Naples, Rome. A Rome, il rencontre Pie XII. Il ignore alors ce qu’il lui sera reproché après la guerre. Interrogé, Irving dira « On m’avait dit à Rome que le Pape avait aidé les juifs, et j’ai saisi cette opportunité pour le remercier ». Ensuite, c’est Le Caire, l’Iran, la Nouvelle-Guinée. Puis, le Pacifique. Où l’on voit que le patriotisme d’Irving est sincère. Car ne l’oublions pas, il est alors un civil de 57 ans et n’est nullement obligé d’accompagner ses boys . Malgré les risques, il ne les abandonne pas. Il les quittera momentanément pour rejoindre les USA pour gérer des revues en cours d’élaboration. La troupe poursuivra son périple sur Guam où l’ « Enola Gay » décollera quatre jours plus tard, puis sur Okinawa et Iwo Jima. Quand Irving Berlin viendra les rejoindre, ils seront à Hawaï.
Entre 1942 et 1945, 2 500 000 soldats et civils auront assisté à ce spectacle ! Harry Truman lui remettra la médaille du Mérite. En 1943, la revue avait déjà récolté $2 million. La version cinématographique qui suivra (avec entre autres Ronald Reagan) en rapportera $ 10. Tous les gains seront versés à l’AERF (Army Emergency Relief Found).

WHITE CHRISTMAS

Paroles : « Je rêve d’un Noël Blanc comme ceux de ma jeunesse où la cime des arbres étincelle et où les enfants écoutent pour entendre les cloches des traîneaux dans la neige. »
Pas de crèche, pas de Jésus dans cette chanson. Juste le blanc, la neige. Une des raisons pour lesquelles elle a eu un large auditoire. Ecrite vers 1940, la chanson est d’abord boudée, puis en décembre 1942, vénérée par les soldats américains expatriés, nostalgiques et impatients de retrouver leur home sweet home et leurs familles autour du sapin.
Quand Irving Berlin entendra la version d’Elvis Presley à la radio en 1957, il poussera des cris d’orfraie et demandera à ses secrétaires d’appeler toutes les stations pour en empêcher la diffusion.
Ma version préférée est celle de Jascha Heifetz, un ami d’Irving faisant partie comme lui de la Round Table dans les années 20. Round Table où Irving rencontrait régulièrement H-G Wells, Charlie Chaplin, Fedor Chaliapine et Mary Pickford, la star du muet parlant.


"White Christmas" - Bing Crosby

 


"White Christmas" - Elvis Presley

 


"White Christmas" - Jascha Heifetz
APRÉS LA GUERRE

La guerre terminée, Irving Berlin approche la soixantaine. Mais l’heure de la retraite n’a pas sonné. On le réclame. Il a encore des idées de chansons, de revues et de films. Il y aura « I like Ike » en 1952 pour soutenir la candidature d’Eisenhower à la présidentielle.
Le Président lui remettra une médaille d’or pour son œuvre musicale patriotique en 1954.

Il y aura aussi « Blue Skies », en France la mélodie du bonheur, avec Bing Crosby et Fred Astaire, « Easter Parade » avec Judy Garland et encore Fred Astaire, « Miss Liberty » racontant l’histoire de la Statue de la Liberté, « There’s no business like show business » en 1954, utilisant le tout nouveau procédé appelé CinemaScope, avec Marylin Monroe et la chanson « Heat Wave ».

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Médaille avec Ike


"I like Ike"

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Marylin Monroe et Irving Berlin


"Heat Wave" - Marylin Monroe
Irving vieillit. Il arrive à un âge qu’il n’avait sans doute pas imaginé, celui de la fin de ses droits d’auteur pour certaines de ses chansons La loi américaine protège le copyright pendant 75 ans. En 1986, « Alexander’s Ragtime Band » tombe dans le domaine public.
Puis c’est le silence. Dans les années 30, Irving Berlin avait ignoré le jazz ; arrivent maintenant le blues, le rock, la pop. Il n’a plus sa place. Il est maintenant has been. Lors du 100ème anniversaire de sa naissance, nombreux sont les américains surpris d’apprendre qu’il est encore vivant. Il s’endort neuf mois plus tard. Heureusement pour lui, il ne connaîtra pas les horreurs ayant pour nom disco, rap et téléchargement illégal.

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FRANC-MAÇONNERIE

Le nom d’Irving Berlin apparaît sur les listes des francs-maçons célèbres. J’ai glané quelques renseignements sur des sites maçonniques d’obédiences américaines qui ne nous apprennent pas grand-chose. Le biographe d’Irving Berlin, Laurence Bergreen, n’en parle pas ; pas plus que sa fille aînée dans ses mémoires. J’emploierai donc le conditionnel.
Le Frère Berlin aurait été initié à la Munn Lodge à New-York le 12 mai 1910, fait Compagnon le 26 mai et Maître le 3 juin, reçu au 32ème grade du Rite Ecossais de la Juridiction Maçonnique du Nord, toujours en 1910 ! L'année suivante, il serait devenu shriner (shrine=lieu saint), membre de l’Ancien Ordre Arabe des Nobles du Sanctuaire Mystique.
Je ne connais pas la Maçonnerie américaine du XXIème, encore moins celle de 1910. Ce dont je puis être certain, c’est que son hyper activité musicale ne devait guère lui laisser de temps pour assister aux tenues !

L’HOMME

Il semble économe, pour ne pas dire radin. Il est vrai qu’il a connu la misère et a toujours eu à l’esprit le caractère éphémère du succès. Il éconduit son neveu venu lui demander une aide financière pour soigner le cancer de sa mère. Il est pourtant généreux mais il aime décider seul dans ce domaine. C’est ainsi qu’il abandonne tous ses droits à l’Armée ou aux scouts, nous l’avons vu. Mais il offre aussi une maison à sa mère en 1913. Il donne $1 million à son beau-père ruiné pour rendre ses vieux jours plus confortables. Par la même, il montre qu’il n’est pas rancunier.
Après s’être assuré une vie aisée, il n’écrit plus uniquement pour l’argent. « Que mes chansons soient bonnes ou mauvaises, dit-il, je continuerai à en écrire car pour moi, ce n’est pas seulement un gagne-pain ou un loisir, c’est TOUT »
Il est opportuniste. Comme de nombreux artistes d’aujourd’hui, il est à l’affût de l’actualité pour saisir les thèmes qui feront de l’audience. Ses principaux tremplins ont été les deux guerres. Mais il n’est pas belliciste. Il est patriote. Car, s’il écrit des chansons de guerre pour « Yip Yip Yaphank » et « This is the Army », il a aussi écrit, en 1914, « Stay down here where you belong » : « Pour satisfaire leurs rois, ils sont tous partis à la guerre et pas un d’entre eux ne sait pour qui il se bat. Ils brisent le cœur des mères et font de leurs frères des bouchers ». Avant de quitter Hawaï, le 22 octobre 1945, il déclare « J’espère que je n’aurai plus à écrire aucune chanson de guerre. »
Bref, bien qu'il soit franc-maçon, ce n'est pas un Saint. Tout comme nous !

CONCLUSION

Irving Berlin symbolise le self made man, celui qui se fait tout seul. Il symbolise le mirage de l’Amérique où n’importe qui peut faire fortune et se faire un nom, y compris un pauvre immigré russe et juif ne sachant pas lire une note de musique. Il symbolise l’Amérique. Il fut l’Amérique.

 
Bilbliographie :    
"As Thousands Cheer" - The life of Irving Berlin" Laurence Bergreen Da Capo
"A daughter's memoir" Mary Ellin Barrett Simon & Schuster