LES FEMMES, LE GO : QUELLE HISTOIRE D’AMOUR ???
Colonne d'Harmonie

Mozart - Le Nozze Di Figaro - Voi che sapete
 
En indiquant à notre Vénérable Maître que j’allai travailler sur les femmes, le G.'.O.'. et leur histoire d’amour, je ne savais pas dans quelle galère j’allais mettre les pieds. En guise d’histoire d’amour, il semble qu’on en soit encore aujourd’hui à une histoire de je t’aime, moi non plus entre le G.O. et les femmes.

Je ne ferai l’insulte à personne de rappeler que c’est en Angleterre à l’aube du 18ème siècle que naquit la F.'.M.'. spéculative telle que nous la pratiquons aujourd’hui. En 1717, quatre loges se réunirent pour constituer la première obédience appelée la Grande Loge de Londres et en 1723, le pasteur Anderson rédigea les Constitutions fondatrices.
L’ambition affirmée par celles-ci était de dépasser les antagonismes religieux en posant les principes de liberté de conscience, de tolérance et de foi en la capacité de l’être humain à transformer le monde. Bien que progressistes pour l’époque, ces Constitutions ne faisaient aucune place aux femmes, bien au contraire.

Pourquoi une telle discrimination ? Parce que les maçons ne voulaient accueillir que des êtres libres or à cette époque, les femmes ne le sont pas plus que les esclaves, les domestiques etc... (on peut se demander si aujourd’hui, cela a tellement changé) Mais surtout les femmes dépendent des hommes et ces derniers leur reprochent leur manque de discrétion, leur inconstance, leur superficialité et leur goût pour la séduction, certains hommes considérant la femme comme un être inférieur, simple objet de jouissance de l’homme. (On peut se demander si en contrepartie les femmes ont des reproches à faire aux hommes)
De surcroît, le pivot de la méthode maçonnique est de jongler avec des symboles empruntés aux métiers du bâtiment où les femmes ne figuraient que pour la part du pauvre, ce qui est mal connaître l’histoire car les femmes étaient présentes dès le début du 14ème siècle dans le monde du bâtiment.
On y trouvait des plâtrières, des mortelières, des poseuses de pierre non pas par souci de mixité ou d’égalité mais surtout parce qu’elles représentaient une main d’œuvre moins chère.

Bien sûr la majorité des ouvriers étaient des hommes mais en Europe et en Angleterre, on trouvait des femmes maîtresses maçonnes qui employaient des apprentis hommes et même femmes mais quand il s’est agi de passer de la maçonnerie opérative à la maçonnerie spéculative c’est-à-dire du chantier aux loges, là, plus de femmes et pourtant si les femmes n’étaient pas les bienvenues sur les chantiers à cause de leur faiblesse physique, on pourrait penser qu’elles auraient pu assister aux travaux des loges spéculatives. Ces travaux il est vrai ne demandaient pas de gros efforts physiques (ce qui pouvait arranger certains) mais les femmes en furent exclues.

Néanmoins, resituons-nous dans le contexte de l’époque et rappelons-nous que l’encyclopédie anglaise à l’article femme posait comme définition de celle-ci trois mots, je cite : « femme : femelle de l’homme ». Cela ne devait choquer personne à l’époque car la vie sociale britannique d’où vient la maçonnerie était essentiellement masculine. En France, déjà les choses étaient un peu différentes car l’élite intellectuelle était composée aussi bien d’hommes que de femmes. Par conséquent les femmes se dirent qu’elles pourraient tout aussi bien que les hommes s’adonner à cette pratique intéressante qu’était la F.'.M.'.
Dès l’origine, cette discrimination a dérangé l’élite des françaises habituées à ce qu’aucun domaine ne leur soit refusé, leur caractère les poussant à vouloir accéder à tout et tout particulièrement à la F.'.M.'.à partir du moment où elle leur est fermée.
A partir de 1740, les maçons du G.'.O.'. invitent alors leurs épouses et parentes à diverses pratiques maçonniques.
Les premières admissions dans ce contexte ont vraisemblablement eu lieu en 1738 à l’Ordre des Chevaliers Rameurs et Dames Rameuses de Rouen.

Il s’agit d’une F.'.M.'.édulcorée, un ordre mixte principalement consacré à l’œuvre de charité. Plusieurs autres créations vont suivre à Paris, Marseille ou même Brioude. Ces ordres dont les travaux sont philanthropiques et qui rencontrent un certain succès ne sont pas reconnus par les instances officielles. La reconnaissance interviendra en 1774, tout au moins celles travaillant selon un rite spécifique.

Il s’agit plus précisément d’une prise en considération par le G.'.O.'. d’une existence de loges d’adoption c’est-à-dire de loges qui consentent à admettre des femmes à certains de leurs travaux.
La maçonnerie d’adoption est une maçonnerie sous autorité masculine.

Les travaux féminins sont encadrés par des Frères. Cette décision est un contournement des principes fondamentaux de la F.'.M.'.(déjà une exception française). Elle permet au G.O.D.F. de ne pas se séparer de la F.'.M.'. universelle tout en acceptant bon gré mal gré l’existence d’une maçonnerie féminine.

Les Sœurs des Loges d’Adoption sont-elles pour autant de vraies maçonnes ? Nombre de frères considèrent que les loges d’adoption sont un lieu où les femmes jouent à la maçonnerie en pratiquant un amusement aristocratique. De fait, elle est souvent une simple œuvre créative et charitable destinée aux parentes des maçons nobles et grands bourgeois.
Les travaux ne sont pas purement intellectuels et le divertissement fait aussi partie des réjouissances. Outres les agapes rituelles, il n’était pas rare de donner un bal.
Le caractère mondain de la maçonnerie d’adoption explique en un sens son existence.
L’appartenance sociale prime le sexe.
Elle ne constitue pas une obédience même si elle révèle une volonté d’ouverture vers les femmes.

La question du rituel a aussi son importance. Tout en s’en inspirant, le rituel d’adoption n’est pas celui utilisé par les loges masculines dont les sœurs ignorent les véritables mots et symboles.

Conçue par les frères comme étant de substitution, cette maçonnerie particulière désamorce les velléités féminines à l’égard de la vraie maçonnerie mais cela n’enlève rien néanmoins à la valeur des travaux menés dans certaines Loges féminines à la fin du 18ème siècle.

 

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Sceau de la Loge "Les Neuf Soeurs"

Certaines sont prestigieuses. Les Neuf Sœurs et la Candeur à Paris ou l’Aimable Concorde à Rochefort se distinguent particulièrement par leur autonomie face au G.'.O.'. même si les Loges d’Adoption sont la plupart du temps souchées sur des loges masculines du même nom, «souchées» n’induit pas «soumises à».
On imagine mal d’ailleurs que des dames de qualité, si bons juges dans les choses de l’esprit lorsqu’elles animent leurs salons, puissent agir autrement que d’égale à égal lorsqu’elles siègent en Loge. Plusieurs documents le laissent clairement transparaître comme cette résolution du 19 janvier 1776 dans la Loge la Candeur : « Il a été arrêté qu’on admettrait désormais aucun frère ou profane sans le consentement unanime des Sœurs qui seront préalablement consultées sur l’admission de tel ou tel profane ou affilié. » Dans les années 70-80 (1700 bien sûr) il existe un grand nombre de Loges d’Adoption, plus d’une soixantaine en province, une douzaine à Paris. La participation dans les milieux aristocratiques est très importante. Avant la révolution, on peut décompter plus de 1000 Maçonnes.
 
Les deux Loges d’Adoption les plus célèbres sont le Contrat Social présidée par la princesse de Lamballe dont on connaît le rôle auprès de Marie-Antoinette et St Jean de la Candeur présidée par la Duchesse de Bourbon, sœur du Duc de Chartres alors Grand Maître du G.O et futur roi de France sous le nom de Philippe Egalité., elle ( la Duchesse de Bourbon) devient la Grande Maîtresse de toutes les Loges d’Adoption de France.
Les Sœurs de la maçonnerie des dames comme on la nomme sont des franches-maçonnes. Tous les termes qui désignent leurs grades et fonctions sont au féminin. On parle d’apprentisses, de compagnones, de maîtresses mais si les loges reflètent encore l’ordre ancien, elles n’en créent pas moins la société nouvelle qui le remplacera. Il y mûrit lentement une nouvelle forme de sociabilité qui est le tout début de la société civile moderne.
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Par son entrée en maçonnerie, la femme est établie dans des droits et attributs moraux que lui refusent encore les lois et la mentalité à l’extérieur du temple.
On commence à prendre conscience que deux genres composent l’humanité et que l’on ne saurait se passer l’un de l’autre (quoique). On prône l’autodiscipline et l’exigence morale, on se rencontre en tant qu’individu et la voie est donc ouverte à l’identité individuelle.
A l’abri du monde profane, Frères et Sœurs expérimentent et construisent un nouveau type de relation…fondé sur l’égalité et l’amitié. Ils travaillent ensemble à la régénération de la nature humaine (par régénération, il faut bien sûr se situer au plan spirituel). Car La maçonnerie toute entière est invitée à bâtir des temples à la vertu.
Toutes et tous s’appliquent à devenir meilleur(e)s pour rendre le monde meilleur. C’est ainsi qu’à l’instar de la maçonnerie masculine, la maçonnerie d’adoption s’adapte à son époque. Dans les années 70-80 (toujours 1700), ces loges dont la vocation était essentiellement philanthropique s’orientent vers des problématiques plus engagées mais la F.'.M.'. essentiellement aristocratique va souffrir de la période révolutionnaire.
 
A l’exception notable de Condorcet et pour n’aborder que l’aspect politique et encore, il ne souhaitait accorder le droit de vote qu’aux seules femmes propriétaires d’une seigneurie et seulement par l’intermédiaire d’un mandataire même si en juillet 90 il adhéra au principe du suffrage universel. Il ne proposa alors d’accorder le droit de vote qu’aux femmes propriétaires, chefs de maisons.
Mais la révolution met un terme à tout cela, les clubs de femmes citoyennes sont fermés. Les idées audacieuses et progressistes de Condorcet ne trouvent pas un écho suffisant pour faire bouger quoi que ce soit et pourtant cet homme-là savait bien parler des femmes : « Je dirai au peuple corrompu voulez-vous recouvrer la force de l’âme, l’énergie de caractère qui constitue une nation grande ? Adressez-vous au sexe apparemment le plus faible : les femmes sont plus susceptibles de ce vrai courage qui élève l’âme et la rend capable d’exécuter de grands desseins. Elles s’élèveront jusqu’aux plus hautes fonctions dont vous les aurez chargées. Vous les verrez bientôt devenir citoyennes et l’état leur devra une partie de sa prospérité et de sa puissance. »
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Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne

A l’exception de cette voix isolée il faut le dire, pendant la révolution française, la conviction que les femmes ne pouvaient pas participer à la chose publique était partagée par tous même si se fait alors entendre la magnifique voix d’Olympe de Gouges, auteur de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.
Celle-ci du reste périra sur l’échafaud.
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La F.'.M.'. ne se relèvera qu’après Thermidor. Il en est de même dans la Maçonnerie des Dames mais celles-ci subissent les marques de l’Empire. La mise sous tutelle puisque tutelle il y a du moins dans les textes et règlements, est renforcée. Elle se mue même en subordination car si le 1er Empire encourage la reprise d’activités des Loges d’Adoption, celles-ci sont mises au service de la propagande impériale, leurs activités cantonnées aux œuvres philanthropiques et mondaines. Joséphine de Beauharnais devint Grande Maîtresse, elle dirigeait la loge St Caroline des Francs Chevaliers.
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Cette situation va se poursuivre sous la Restauration et sous la Monarchie de Juillet. Des Loges d’Adoption se créent encore jusqu’au milieu du 19ème siècle.
Au cours de la seconde moitié du 19ème siècle, deux grandes questions font débat dans les loges :
- le théisme (tout système qui admet l’existence d’un dieu créateur et organisateur)
- et la question des femmes.
En 1848, des femmes créent la Société de la Voix des Femmes, le Comité des droits de la Femme qui combattent pour leurs droits politiques et sociaux.
A l’encontre de Proudhon le célèbre penseur qui s’élèvera contre ce qu’il appelle cette abomination (car pour lui l’infériorité de la femme est triple : physique, intellectuelle et morale), un certain nombre d’hommes soutiennent la cause des femmes.
En 1866, Léon Richer et quelques Frères acquis aux idées d’émancipation des femmes organisent au G.O.D.F. des conférences maçonniques ouvertes aux femmes.
 
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Convocation d'une Loge d'Adoption (1785)
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Cordon d'une Loge d'Adoption, ayant appartenu à la Princesse Caroline.

 

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Hommage de la Loge d'Adoption Le Temple de l'Humanité à S.A.S la Soeur Duchesse de Chartres, épouse du Duc de Chartres, futur Duc d'Orléans, Grand Maître du GODF, 1777

Il fonde avec Maria Deraismes la revue L’Avenir des Femmes et reçoit l’appui de Victor Hugo qui lui écrira : « Je m’associe du fond du cœur à votre utile manifestation. Il est douloureux de le dire dans la civilisation actuelle, il y a une esclave. La loi a des euphémismes, ce que j’appelle une esclave elle l’appelle une mineure ; cette mineure selon la loi, cette esclave selon la réalité, c’est la femme»

Mais les idées d’émancipation ne sont guères suivies et malgré le traitement de la question à différents Convents du G.O.D.F. les Frères restent peu enthousiastes, frileux devant des décisions qui selon eux remettraient l’ordre social en question et bien sûr nous ne parlerons pas de l’éternelle question « une femme peut-elle être initiée ? ».

Au G.O. les débats sur les questions d’admission des femmes sont plus que jamais d’actualité. En ces années 1880 d’autres maçons partagent des convictions telles que celles de Georges Martin, sans pour autant parvenir à faire évoluer les positions de l’obédience.

Cet immobilisme va entraîner plusieurs scissions de Loges et aboutir à la formation d’une nouvelle obédience : la Grande Loge Symbolique Ecossaise. Et bien que n’admettant pas les femmes, elles rassemblent les tendances les plus remuantes de la maçonnerie.
Partie prenante dans cette volonté d’indépendance, la Loge des Libres Penseurs du Pecq inscrit alors dans ses règlements particuliers le droit d’initier des femmes mais la nouvelle obédience lui en refuse l’autorisation. Elle se retira donc de la confédération et se rendit indépendante pour réaliser cet objectif.

Et c’est ainsi que le 14 janvier 1882 Maria Deraismes fut initiée.

Lors de son discours d’initiation, elle déclara : « La femme est une force. Moitié de l’humanité si elle se confond avec l’autre par des caractères généraux et communs, elle s’en distingue par des aptitudes spéciales d’une puissance irrésistible qui forme un apport particulier essentiel et indispensable à l’évolution de l’humanité. Par la femme, vous vous emparerez de l’éducation, vous la rendrez nationale, vraiment collective, humanitaire. La F.'.M.'. deviendra une école où se formeront les consciences, les caractères et les volontés ; école où l’on se persuadera que la solidarité n’est pas un vain mot, une théorie fantaisiste mais une réalité irréfutable selon laquelle tout individu a autant d’intérêt à accomplir ses devoirs qu’à exercer ses droits. Vous préparerez ainsi les matériaux d’une véritable démocratie. »

En dépit de ce beau projet, le petit séisme provoqué par les Libres Penseurs du Pecq secoue trop durement le monde maçonnique.

A peine 5 mois plus tard, Maria Deraismes se retira pour ne pas causer de tort à ses Frères et elle reprit ses activités politiques. Le salon de la fraîche initiée au grade de Maître est plus que jamais fréquenté par les maçons.

De son côté Georges Martin ne baisse pas les bras.
En 1890, Grand Maître au sein de la GLSE, il travaille toujours à son projet de mixité : « Constituer des Loges de femmes à côté des Loges d’hommes, c’eut été créer des organismes aboutissant à accentuer encore la tendance à la division entre les deux sexes, division qu’il faut supprimer le plus possible. Les loges mixtes ont pour but de rapprocher les deux êtres humains qui ont les mêmes besoins et les mêmes intérêts dans la famille comme dans la société. C’est de l’union complète de l’homme et de la femme dans tous les domaines matériels et moraux que sortira la société idéale à l’organisation de laquelle doit travailler la F.'.M.'.»
Les discours sont toutefois peu suivis d’effets donc Maria Deraismes avec l’appui de Georges Martin accélère le processus en rassemblant des femmes à son domicile à partir de 1892.
Elle procède à 17 initiations le 14 mars 1893.

Le 1er avril (et ça n’était pas une blague), elle initie Georges Martin et crée ainsi une Loge mixte puisque les hommes n’ont pas voulu ouvrir leurs Loges aux femmes, les femmes vont accueillir les hommes et réaliser enfin le grand projet de mixité.
Le 4 avril 1893, les fondateurs déposent au ministère de l’intérieur la charte de la Grande Loge Symbolique Ecossaise Droit Humain, obédience mixte et internationale. Le Droit Humain boudé par les obédiences régulières qui lui sont hostiles. Georges Martin est considéré par ces derniers comme parjure mais il est défendu par ses Frères de Loge .

En effet, l’initiation de Maria Deraismes a été régulière, dans une Loge régulière. Le DH ouvre ses travaux à tous les maçons et reçoit la visite de nombreux Frères. L’obédience prend son essor en dépit de la mort de Maria Deraismes le 6 février 1894.
Mais ceci est une autre histoire que celle des femmes du G.O. et de leur histoire d’amour puisqu’il s’agit de l’histoire du DH

mixite

maria

Maria Deraismes

georgemartin

Georges Martin

dhfra
Puisqu’on en est dans les autres histoires qui ne concernent pas directement le G.O., en 1901 furent créées de nouvelles Loges d’Adoption sous l’égide de la Grande Loge de France tout d’abord sous les hospices de la loge le Libre Examen puis sous les hospices de l’obédience elle-même.
De 1901 à 1936, 11 Loges d’Adoption seront ainsi constituées à la Grande Loge de France. Il ne s’agit pas de mixité mais bien d’une réactivation de l’ancien système de Loges d’Adoption qui était tombé en désuétude.
Du reste, il est significatif de relever qu’en 1906, la question à l’étude des Loges pour le Convent de la GLF est : « Des moyens à employer pour soustraire la femme à l’influence de l’église et l’associer à l’action maçonnique. »
Mais le G.O. aussi se pose la question, certains maçons considérant qu’ils ont « besoin des femmes pour faire de la propagande auprès des femmes et les détacher du parti de l’église » (extrait des actes du Congrès Régional du G.O., Tours, 1908).
Si la création du DH n’a pas suffi à enclencher un mouvement de fond en faveur de l’initiation féminine encadrée, la perspective de s’opposer à l’église et de combattre le cléricalisme est un moteur suffisamment puissant.
Si le G.O. ne saute pas le pas, la GLF laisse le champ libre à l’adoption.
Mais là encore, il s’agit d’une autre histoire qui va conduire après bien des péripéties le 21 octobre 45 (1900) à la 1ère assemblée générale indépendante de l’Union Maçonnique Féminine de France qui prendra en 1952 le nom de GLFF, appellation que les Sœurs s’octroient par un vote en assemblée générale et par lequel elles deviennent le pendant de l’obédience dont elles sont issues, la suite relevant là aussi de l’histoire de la GLF.
A ce jour, en France les principales obédiences ont des positions différentes concernant la mixité :
Les obédiences suivantes sont masculines et voici quelles sont leurs positions
à GODF reconnaît la F.'.M.'. féminine et les Loges sont autorisées à inviter des maçonnes à leurs tenues
à La Grande Loge de France ne reçoit pas de femmes dans ses loges mais elle reconnaît la F.'.M.'. féminine
à La Grande Loge Nationale Française est une obédience masculine régulière et par conséquent ne reconnaît pas la F.'.M.'. féminine
Les obédiences suivantes sont mixtes et les femmes et les hommes sont à égalité par rapport à l’initiation et au parcours maçonnique
à Le Droit Humain
à La Grande Loge Mixte de France
à La Grande Loge Mixte universelle
Enfin certaines obédiences sont exclusivement féminines mais les maçons sont reçus en tant que visiteurs à certaines tenues
à La Grande Loge Féminine de France
à La Grande Loge Féminine de Memphis-Misraïm
Ainsi celle ou celui qui souhaite devenir Franc Maçon a donc le choix
Mais là encore, cela relève d’une autre histoire.
Aujourd’hui chacun, chacune peut donc faire le choix d’un type de F.'.M.'. qui lui convient à priori. Homme, Femme, Mixte…Mais il s’agit là d’une réflexion qui se situe en dehors de la F.'.M.'. car lorsque l’on est en état de se la faire, il est déjà trop tard, le choix est fait. En ce qui me concerne, le choix m’a amené au GODF et si je ne le regrette absolument pas ce n’est pas seulement à cause des agapes ( quoique pour la vaisselle)…
Plus sérieusement, je m’interroge sur la position de notre obédience par rapport aux femmes, car si les réponses à la question des femmes sont multiples au sein de l’ensemble de la F.'.M.'., celle apportée par le GO me semble plus complexe encore à aborder.
Pas de sœur initiée mais des sœurs visiteuses reconnues : est-ce là une méthode naturelle de reconnaissance d’égalité ?
Le nœud du problème me semble être cette question : pourquoi cette question se pose-t-elle toujours ? Pourquoi existe-t-il des Loges de Femmes, des loges Mixtes et des Loges Masculines ?
Pourquoi la F.'.M.'. universelle ne parvient-elle pas à dépasser certains préjugés pour admettre l’universalité d’une humanité mêlant nécessairement masculin et féminin ?
Au même titre qu’elle mêle les couleurs, les cultures, l’homosexualité et l’hétérosexualité, les générations, etc…
L’universalité est le dépassement de toutes les différences pour reconnaître avant toute chose l’humanité de chaque être. Parler des femmes en maçonnerie permet d’évaluer d’une certaine manière la pérennité et la validité des grands principes de notre civilisation. Or celle-ci, comme toute expression humaine n’est pas parfaite, mieux elle est perfectible. La perfection n’est pas humaine, sa recherche l’est. Recherche que mènent précisément les maçons. Aussi le traitement de la question féminine par la F.'.M.'. est révélateur de la manière dont notre société s’est construite sur des principes non universels même s’ils prétendent l’être.
Exemple : les Droits de l’Homme aussi juste soient-ils, n’ont jamais été les Droits de la Femme.
Les Droits de l’Homme « The Human Rights » en anglais sont calqués sur un modèle datant du XVIIIème siècle, époque ayant autorisé les premières réflexions sur la fin de l’esclavage tout en tardant à l’abolir et n’ayant jamais cessé d’asservir les femmes. Aussi, l’on peut penser que l’enjeu ultime d’une réflexion sur l’initiation des femmes à l’égal des hommes est la version de l’humanité qu’elle suppose, pour la F.'.M.'. comme pour le monde qui l’accueille.
Maintenant, l’on peut aussi penser que la mixité du travail dans les Loges puisse amener un niveau de difficultés ou de contraintes plus spécifiques, car même lorsque nous entretenons d’excellents rapports (sans jeu de mot) avec le sexe opposé (quel qu’il soit), nous naviguons sans cesse entre attraction et réserve, concession et séduction, entre attirance et compétition, entre refus, présomptions et astuces. Alors il est vrai que de temps en temps il n’y a rien de meilleur que de s’isoler avec des personnes du même sexe !...(pour travailler bien sûr)
Pour certains en outre, la non mixité peut être mise en parallèle avec les travaux qui se déroulent dans les Loges.
Ceux-ci touchant à la personnalité même des participants qui privilégient l’être sur le paraître et qui s’évertuent dans un climat empreint de sérénité à connaître leurs qualités et leurs défauts sans concession aux convenances de la société profane.

Donc pour certains la mixité ne serait pas propice à la création et à l’entretien de l’atmosphère appropriée, dans la mesure où elle pourrait susciter des attitudes et des comportements individuels incompatibles avec la recherche personnelle à laquelle s’emploie le maçon en Loge autant qu’avec le fonctionnement du groupe.

En d’autres termes, cela ne fait que traduire le fait que finalement les francs maçons ne sont que des hommes, voire même parfois des mâles qui auraient du mal en présence de femmes à mettre de côté leur désir de plaire et de séduire. Ce type d’argument est intéressant mais outre la moyenne d’âge certaine au sein de nos loges (mais bien sûr pas la nôtre…merci B…n…, il devrait conduire à mettre de côté les homosexuels prêts à succomber aux charmes de leurs Frères (enfin peut-être pas tous). Cet argument ne tient donc pas.
Il en est de même que valider l’idée d’une F.'.M.'. spécifiquement féminine c’est reconnaître l’existence de la femme en tant qu’être identifié et surtout différent.
Au mépris du principe d’égalité ?

La plupart des civilisations, particulièrement en Occident ou dans les confessions monothéistes, ont établi l’infériorité du féminin, quand les systèmes philosophiques dits traditionnels établissent parfois l’idée de complémentarité entre les deux sexes, tout comme le jour ne saurait exister sans la nuit, l’été sans l’hiver. La distinction évidente des identités sexuelles au sein du genre humain a mené très souvent à des organisations sociales de type patriarcal.
A tel point que la tradition est aujourd’hui officiellement rétrograde ; jugement erroné puisqu’il se trompe de cible.
Il est étonnant de constater à quel point certaines sociétés primitives sont en avance dans la perception du statut féminin sur nos sociétés civilisées. La reconnaissance des droits des femmes a été et est encore un combat en Occident parce que la civilisation dite moderne s’est construite sur des valeurs établissant une hiérarchie de fait entre hommes et femmes.

Le XIXème siècle, ère de science et du modernisme triomphant a été le siècle de l’asservissement féminin le plus caricatural. La femme a dû se libérer dans la société qui est l’auteur des principes universels de liberté et d’égalité.
Saisissant paradoxe propre à l’Occident, faisant du combat pour l’émancipation féminine un combat politique alors qu’il devrait précisément dépasser ce stade pour être seulement un principe immuable.

Aujourd’hui encore, les débats sur la question féminine sont dans cette dimension politique ; les conséquences en sont importantes puisque ce confinement justifie en un sens les tergiversations maçonniques.

Fondamentalement apolitique, la F.'.M.'. est un lieu où au moins depuis le XIXème siècle, a été permise la rencontre d’hommes d’horizons différents. La meilleure preuve en est l’adhésion d’anarchistes (et là je ne cite personne, mais suivez mon regard…) anarchistes donc qui sont par nature rétifs à tout ce qui ressemble à une ligne de parti.
Pourtant, le vrai courage serait de reconnaître à cette question sa qualité apolitique et universelle. La F.'.M.'. travaille à partir des symboles et l’on peut s’étonner qu’à côté de la dualité blanc/noir, les deux couleurs du pavé mosaïque, cette autre dualité le masculin/féminin, qualité essentielle de l’espèce humaine, soit évacuée de la majorité des Loges dans leur composante humaine ;
N’est-ce pas amputer la réflexion ?
En ouvrant leurs loges aux femmes beaucoup de nos Frères craignent de perdre plus qu’ils ne gagneraient… ?
Mais l’idée d'une F.'.M.'. universelle ne peut pas (ne doit pas) s’accommoder du fractionnement de la séparation des sexes.
Autant la séparation de l’église et de l’état a été un progrès décisif, autant la réunion, sinon l’accord des hommes et des femmes marquera un progrès décisif pour notre humanité en souffrance. Car l’humanisme ne se découpe pas en rondelles. Il n’y a qu’une seule humanité et du reste lorsque l’on prétend être universel, il faut s’appliquer ces principes à soi-même.

Je conçois très bien que des Frères aient envie de travailler entre eux, comme nos Sœurs de la GLFF qui n’initient pas les hommes et travaillent entre elles.
Je pense qu’à terme, il faudra que nous rapprochions les obédiences.
En attendant ce jour nous avons au GODF la pluralité des rites et j’espère que nous aurons un jour en notre sein, des loges masculines, féminines et mixtes.
Ce qui permettra à chacun et chacune de travailler comme il (elle) le souhaite.
Les hommes et les femmes ont à s’enrichir mutuellement afin de devenir une femme et un homme accompli, porteur de valeurs d’humanisme, de respect et d’amour, libres et solidaires ensemble.
Le 07 mars 2006 (veille de la journée internationale des droits de la femme et aussi jour de l’anniversaire d’une belle sœur qui a pris aujourd’hui pile poil 10 ans de plus que moi…)

J’ai dit.